Morale laïque ou morale d’Etat ?
– COMMUNIQUÉ –
M. Vincent Peillon, ministre de l’Éducation nationale, est l’artisan d’une « refondation » de l’École menée tambour battant, puisque le gouvernement entend déposer un projet de loi au Parlement fin novembre. Compte tenu de l’ampleur de la tâche et de la précipitation avec laquelle elle doit être accomplie, espérons que le nouvel édifice ne s’effondrera pas encore davantage sur les élèves et les enseignants que l’actuelle bâtisse, lézardée de toutes parts.
Au début du mois de septembre, il a annoncé son intention d’introduire des leçons de « morale laïque » à l’École, du cours préparatoire à la classe terminale des lycées. Considérées comme l’un des piliers de cette « refondation », elles ne constitueront pas seulement une instruction civique, mais seront conçues comme un enseignement plus vaste qui aura pour ambition de livrer un point de vue aux élèves sur « le sens de l’existence humaine », « le rapport à soi [et/ou] aux autres » et le contenu d’une « vie heureuse » ou d’une « vie bonne ».
La « morale laïque » de M. Vincent Peillon est, en elle-même, une source de division des élèves et des parents dans la mesure où, s’aventurant sur le terrain fangeux de la métaphysique, elle suscitera, en réaction, une affirmation décuplée des morales religieuses. De plus, le risque est grand de détourner l’enseignement de la philosophie à des fins d’embrigadement en lieu et place de celles de l’émancipation intellectuelle ?
En ce sens, ce projet va à rebours de toute la tradition républicaine en la matière, puisque de Condorcet et Le Peletier de Saint-Fargeau à Jules Ferry, Ferdinand Buisson et Jean Jaurès, l’Instruction publique n’a eu pour seule ambition que de transmettre « la bonne et antique morale que nous avons reçue de nos pères et de nos mères », c’est-à-dire l’éducation morale universelle dans laquelle tous les individus se reconnaissent. Au surplus, comme pour aggraver, non pas l’erreur, mais la faute politique d’un tel choix, il repose sur les réflexions préalables d’un triumvirat politiquement monocolore. M. Alain Bergougnioux, secrétaire national du Parti socialiste, M. Rémi Schwartz, Conseiller d’État notoirement proche de cette formation politique, et Mme Laurence Loeffel, Professeure de philosophie de l’éducation à l’université Lille III, ayant exercé pendant treize ans à l’IUFM d’Amiens – préfecture du département de la Somme, où M. Vincent Peillon avait trouvé un ancrage électoral dans la troisième circonscription (Vimeu) –, seront les grands théologiens de cette « morale laïque ».
Cette « morale » est donc le fruit des cogitations d’un trio qui souffle dans une seule trompette, son désastre est assuré.
Non à la morale « laïque » ! Non à la morale d’Etat !
Oui à la liberté de conscience et à la neutralité de l’École !
Paris, le 15 Octobre 2012