Succès du meeting laïque de Montpellier
Discours
à Montpellier
–
7 avril
2018 –
Amis,
Citoyens, Compagnons, Camarades,
Comme
il est de tradition, je vous apporte le salut fraternel de la
Fédération
nationale de la Libre Pensée.
Nous
sommes ici pour défendre la laïcité qui est constituée par les grandes
lois
républicaines de 1881, 1882, 1886 et de 1905 qui a parachevé cette
œuvre de
liberté. Ces lois portent des noms qui sont entrés dans
l’Histoire : Ferry, Goblet, Buisson, Briand, Jaurès.
La
IIIe République a fait œuvre de liberté dans bien des domaines :
liberté
de la presse, liberté syndicale, liberté d’association.
La
laïcité, ce ne sont pas des interdits, c’est au contraire la liberté la
plus
haute : celle de la liberté absolue
de conscience pour tous. Et pour cela, le mouvement ouvrier et
démocratique
a fait triompher la loi du 9 décembre 1905 qui affirme que la religion
est une
affaire privée et que la République est neutre. Comme le disait Francis de Pressensé : l’Etat s’arrête
où commence la conscience.
Chacun
est libre de croire ou de ne pas croire. Ce n’est plus une affaire
d‘Etat,
c’est devenu une affaire privée. C’est pourquoi, il y a une nette
séparation
entre la sphère publique et la sphère privée.
Dans la sphère publique, il est interdit de faire toute marque
de
prosélytisme religieux ou antireligieux. Dans la sphère privée, chacun
est
libre.
C’est
à cette condition que l’on peut faire respecter la liberté de
conscience pour
tous. C’est pour cela que la Libre
Pensée combat et gagne très souvent contre toute présence du
religieux dans
la sphère publique : crèches dans les mairies, croix à Ploërmel,
statues
de la Vierge Marie sur des emplacements
publics.
Nous
sommes satisfaits des arrêts du Conseil
d’Etat qui, saisi à notre demande, a rappeler un principe juridique
fondamental : les emblèmes religieux sont prohibés dans les
bâtiments de
la République. Ce ne sont pas les quelques exceptions prévues qui
changent
quoique ce soit à cette règle absolue.
La
République ne reconnait, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte. Ce
sont deux conditions : la
non-reconnaissance et le non-financement, qui organisent la laïcité
dans notre
pays, pour garantir que les gens ne vont plus se massacrer entre eux
pour des
questions métaphysiques.
Le
respect de l’absolue liberté de
conscience est une aspiration universelle sur tous les continents. Elle
est le
début et elle est la fin de toute revendication démocratique. Elle est
l’alpha
et l’oméga de la bataille laïque.
La Séparation
des Eglises et de l’Etat a été conquise aux Etats-Unis d’Amérique,
pays
protestant, en 1789. Puis au Mexique, pays catholique, en 1874. Et en
France,
pays de la Renaissance, des Lumières
et de la Révolution, en 1795,1871, 1905. En 1918,
c’est Lénine qui l’impose en Russie, terre de
tradition orthodoxe. En
1937, c’est au tour de la Turquie musulmane de l’établir.
C’était
hier, et aujourd’hui me direz-vous ? Dans
le Népal bouddhiste, la Séparation est
établie en 2008. En Bolivie, qui mélange les cultes païens et le
christianisme,
elle est établie en 2009. Dans l’Angola en Afrique, pays de l’animisme
et du
syncrétisme religieux, elle est décidée en 2010.
Quelles
que soit leur histoire, la religion
dominante, la culture majoritaire, une évidence s’impose : la
Séparation
des Eglises, des religions, des cultes et de l’Etat est la solution
démocratique applicable partout et en toutes circonstances. C’est la
liberté
conquise et la démocratie établie.
Elle est
nationale dans sa forme et
internationale dans son contenu. Elle est l’avenir de tous les peuples
et de
toutes les nations.
Je
constate que l’Union européenne aurait pu adopter une
autre attitude que le
respect des dispositions antilaïques dans de nombreux pays, elle aurait
pu
édicter comme règle (puisqu’elle en édite à propos de tout) que la
Séparation
des Eglises et de l’Etat est la règle démocratique en Europe. Elle a
fait un
choix inverse.
La
Libre Pensée a toujours combattu, à travers toute son histoire, les religions, les exploiteurs et les
militaristes qui sont les pires obstacles à l’émancipation de l’Humanité.
Et
la laïcité, c’est la liberté, c’est l’instruction, c’est
l’émancipation. Nous
renvoyons l’Eglise catholique à ce que disait un des siens, Charles
Péguy : « Le juif sait lire depuis
toujours, le
protestant depuis Calvin et le
catholique depuis Jules Ferry ».
Nous
sommes dans un département qui a connu
quelques moments médiatiques importants. Comment ne pas penser à Ernest Renan qui disait « J’aurai plutôt
tendance à mépriser une
jeunesse qui n’entrerait pas dans la vie avec l’injure aux lèvres »
et
René Char de lui
répondre : « Celui qui
vient au monde pour ne rien troubler, ne mérite ni égards, ni patience. »
Puisque
nous sommes réunis, et c’est très bien, dans la diversité du mouvement
laïque,
il n’est pas anormal de poser la seule question qui vaille :
comment faire
pour agir réellement, au-delà de déclarations verbales, pour essayer de
réunir
le mouvement laïque sur des bases solides, réelles et sérieuses ?
Car
l’union des laïques est indispensable, si l’on veut agir réellement.
Il
me semble qu’un premier principe doit être établi : Il n’y a
qu’une seule
Ecole de la République, c’est l’Ecole laïque. Il peut y
avoir plusieurs écoles dans la République,
mais l’Ecole de la République, c’est l’Ecole publique, laïque et
républicaine.
C’est à elle que doit être réservée tout l’effort de la Nation.
Or,
comme l’a établi sans conteste la Libre
Pensée et cela a été repris par d’autres : chaque année, ce
sont 10
milliards d’euros qui sont détournés des fonds publics au profit de
l’Eglise
catholique et de son enseignement privé. Il faut restituer ces moyens à
l’Ecole
laïque.
La
Libre Pensée a pris l’initiative de
lancer en décembre 2016 un Appel des laïques
qui a connu un
grand retentissement. Avec des mots simples, mais vrais ; avec des
principes compréhensibles, mais fermes ; avec une volonté d’unir
et non de
fulminer des vérités révélées ; cet appel a rassemblé la
quasi-totalité du
mouvement laïque dans sa diversité la plus grande dans une volonté
commune de
défendre la liberté de conscience par la sauvegarde de la loi de 1905.
Cet
Appel
a eu des conséquences positives. Comment ne pas constater que le CNAL lui-même dénonce les conséquences
de l’obligation de la maternelle à trois ans comme une nouvelle faveur
pour
l’enseignement privé catholique ? Il écrit : « Plus largement, il est grand temps que soit
menée l’évaluation du montant global du financement public de
l’enseignement
privé, qui est essentiellement confessionnel. Depuis près de soixante
ans,
notre pays finance la concurrence à son propre service public
d’éducation. Le CNAL dénonce cette politique qui
sépare
la jeunesse et mine notre avenir commun. »
Les choses avancent donc et rappelons que la
quasi-totalité des organisations constitutives du CNAL
ont signé l’Appel des laïques.
Cet
Appel
des Laïques est la démonstration la plus évidente que les
laïques sont
prêts à s’unir et à agir, à condition que cela soit fait dans la
clarté. Pour
cela, il faut tenir toutes les
religions à égale distance de la chose publique. Il ne doit pas y avoir
de
religions favorisées, ni discriminées par rapport aux autres. Ce n’est
pas à la
République laïque de dire si une religion est bonne ou mauvaise,
crédible ou
pas, représentative ou non ; sinon, ce n’est pas la Séparation,
c’est le
concordat qui revient.
Il
n’y a pas lieu de dire en démocratie si telle ou telle religion est
compatible
ou pas avec la République. Toutes les religions monothéistes sont
dogmatiques
par essence, toutes les religions proclament leur Vérité comme la
seule. Toutes
les religions veulent imposer leur loi à tous. C’est pourquoi la
Séparation des
Eglises et de l’Etat est indispensable pour préserver la liberté de
chacun, la
liberté de tous.
Mais
pour que l’Etat soit neutre réellement, il faut qu’il ne reconnaisse
aucun
culte et qu’il ne les finance pas. Si l’Etat reconnaît les cultes,
alors il
leur ouvre des droits. Quand des parents reconnaissent un enfant, ils
lui
ouvrent des droits. Si l’Etat finance les cultes, alors il les
reconnait. C’est
une violation pure et simple de la loi de Séparation de 1905.
C’est
pourquoi, la Libre Pensée est restée
fidèle au Serment de Vincennes qui
disait : « Abrogation de la loi
Debré », qui est la mère de toutes les lois antilaïques. Abrogez
la loi Debré et tout l’édifice antilaïque s’effondrera. C’est
pourquoi,
plus que jamais, la Libre Pensée ne cessera de proclamer le mot d’ordre
du
mouvement laïque authentique : » Fonds
publics à l’Ecole publique, fonds privés à l’école privée. »
Aujourd’hui
l’offensive
antilaïque se poursuit et s‘aggrave. L’Association nationale des Elus « Amis de
la Libre Pensée » vient
de dénoncer la décision d’Emmanuel
Macron de rendre obligatoire la scolarité à partir de 3 ans. Notre Association nationale des Elus constate
que cette annonce n’aura en pratique
aucune conséquence sur la scolarisation des enfants de trois ans,
puisqu’aujourd’hui, 97,6 % (et quasiment 100 % des enfants
de 4 et 5 ans) vont déjà à l’école maternelle, et
que rien
n’obligera les parents des 26 000 enfants concernés à les mettre à
l’Ecole (notamment
par le biais de l’instruction à la maison).
Notre
Association des Elus rappelle qu’à l’inverse, depuis
des décennies,
la multiplication de mesures contre l’école maternelle, et en
particulier la
chasse aux postes, entrainant la non-prise en compte par l’éducation Nationale des
enfants de deux
ans dans les opérations de carte scolaire (sauf dans les zones dites
« prioritaires » ) a fait chuter le taux de
scolarisation
de cette tranche d’âge de 35% en 1999 à moins de 11 % aujourd’hui.
Orientation
confirmée il y quelques semaines par le ministre Blanquer,
qui remettait en cause la
scolarisation des enfants de deux ans.
Quels
desseins
cache cette éventuelle « scolarité
obligatoire » dès trois ans ?
A qui
servirait
cette mesure ?
La
réponse est simple : à l’école privée confessionnelle.
Avec
une scolarité rendue obligatoire à partir de 3 ans, les
communes devraient supporter les dépenses imposées par la loi
Debré, dépenses de scolarité, dépenses de personnel (ATSEM)… L’état,
de son côté, va payer les salaires des enseignants des écoles
maternelles
privées, dépenses qui s’ajouteront aux 7 milliards et demi d’euros
versés
annuellement sur le budget de la nation aux établissements privés, à
95%
catholiques.
Notre
Association des Elus
réaffirme sa volonté, avec la Fédération
Nationale de la Libre Pensée, avec tous les laïques de ce pays, de
voir
abroger la
loi Debré, mère de toutes les lois antilaïques.
Aujourd’hui,
nous constatons à nouveau une offensive
antilaïque : rapport Fondapol qui demande que soient
reconnus les
cultes « représentatifs »,
la mise en place d’un Comité des Sages sur la laïcité dans l’Education
nationale sur le modèle de la pilarisation belge, l’interdiction des
signes
symboliques à l’Assemblée nationale, le lieu même où les différentes
expressions doivent être libres !
Force
est aussi de constater qu’on veut faire un
rideau de
fumée en haut lieu pour mieux brouiller les pistes. Il a été ainsi
décidé de
retirer officiellement les religions dans la liste des lobbys qui
seraient
interdit de contact avec les pouvoirs publics. Cette inscription sur la
liste
de lobbys date de 2016.
Nous
constatons que l’Eglise catholique n’a
pas besoin d’être reconnu comme un lobby pour en être un dans la
réalité. Il
suffit de se rappeler ce qu’elle a fait, avec la Droite, en 1984 pour
défendre
ses intérêts mercantiles pour son enseignement particulariste. Il
suffit de se
rappeler ce qu’elle a fait contre le Mariage
pour tous, alors qu’elle n’était pas encore désignée comme un
lobby. Il
suffit de se rappeler ses campagnes permanentes contre l’IVG, contre la
libre
recherche sur les embryons et contre le Droit de mourir dans la
dignité, pour
être convaincu que, inscription ou pas sur une liste, l’Eglise ne cesse
de
combattre contre la liberté des uns et des autres.
Mais la
sagesse populaire ne dit-elle pas qu’un
arbre peut cacher une forêt ? Dans le même temps,
la majorité présidentielle, qui est quelque
peu en marche arrière, entend remettre en cause un principe essentiel
de la loi de 1905 : le non-financement
public des cultes. Par
le projet de loi n° 424, le Gouvernement propose d’autoriser les
associations
cultuelles à posséder et administrer des immeubles acquis à titre
gratuit.
Elles pourront ainsi posséder un patrimoine privé, alors qu’elles ne
possèdent
nullement les églises et les cathédrales construites avant 1905.
Les
associations cultuelles prévues par la
loi de 1905 pourront donc gérer un patrimoine privé, en tirer des
bénéfices et
les verser à des associations religieuses. C’est un détournement de
fonds
publics qui risque d’être légalisé ainsi. Déjà que les associations
cultuelles
ont eu la capacité civile et testamentaire, c’est-à-dire la possibilité
de
percevoir, sans avoir à verser de taxes, des dons et des legs, grâce à
une loi
de Vichy du 25 août 1942. Cette nouvelle disposition pourrait accroire
les
moyens financiers de l’Eglise dans ses menées contre la liberté de
conscience.
L’Assemblée
nationale a retoqué cette
disposition le Sénat l’a rétablit, gageons qu’à nouveau elle sera
supprimée en
deuxième lecture par l’Assemblée nationale. Ce qui permettra à certains
de
crier victoire pour un combat qui ne fut pas mener.
Il
convient de comprendre que nous entrons
dans une situation de réaction totale sur tous les plans. De la même
manière
qu’il faut s’unir pour défendre le Service public, la Sécurité sociale,
les
retraites ; il va nous falloir bientôt nous mobiliser, dans
l’union la
plus large pour défendre la loi du 9 décembre 1905 de Séparation des
Eglises et
de l’Etat qui est la pierre d’angle de la laïcité dans notre pays.
On voit
même le Ministre Darmanin proclamait qu’il est pour un
renforcement de la loi de 1905 par l’instauration d’un Concordat avec
l’Islam ! Ils nous prennent pour qui ?
Les
commentateurs s’alarment aujourd’hui
d’une radicalisation de plus en plus importante des catholiques pour
imposer
leurs dogmes dans la sphère publique. Et pourtant, depuis des
décennies, on
nous avait vanté que l’Eglise s’était convertie à la démocratie, à la
République et même à la laïcité ! Et que le seul danger était les
islamistes !
Dans
cette situation qui va nécessiter de
se battre tous ensemble, oui tous ensemble (je suis sûr que cela vous
rappelle
quelque chose), qui va prendre la responsabilité de diviser, de
polémiquer,
pour empêcher que l’union des laïques se réalise pour
résister et reconquérir les acquis
laïques ?
Pour sa
part, la Libre Pensée entend
consacrer son énergie et ses moyens pour agir dans le sens de l’union
la plus
large. Il est possible de réaliser l’union des laïques sur une base
claire : Ne touchez pas à la loi de
1905 !
C’est ce
chemin d’union que l’Appel
des laïques a ouvert en rassemblant le mouvement laïque sur la
base des
principes de défense laïques.
N’oublions
pas que Charles de Montalembert,
fondateur de la Démocrate-chrétienne qui a perverti
bien des associations, des syndicats, des
partis dit de « gauche » ou
même des associations dites « laïques », lui qui fut
l’un des rédacteurs de cette
ignominie que fut la loi Falloux de
1850, il fit gravée cette épitaphe sur sa pierre tombale au
cimetière de
Picpus: « Nous sommes les fils des Croisés,
nous ne reculerons pas devant les fils de Voltaire. »
Nous,
nous sommes les fils de Voltaire, de
Diderot, de d’Holbach et d’Helvétius.
Et nous ne reculerons pas non plus. La lutte est désormais engagée et
nous la
mènerons jusqu’à son terme : l’émancipation complète de
l’Humanité,
débarrassée de la tutelle cléricale, de l’oppression du Capital et de
l’étouffoir de la pensée unique aux ordres du Vieux monde.
C’est
pourquoi on n’a pas fini d’entendre le vieux mot d’ordre des
combattants de la
liberté humaine :
Ni dieu,
ni maître !
A bas la
Calotte ! Et vive la
Sociale !
Je
vous remercie.
Christian
Eyschen, vice-Président de la Libre Pensée