Les impasses du projet de loi relatif à la bioéthique
Le 31 juillet 2020, l’Assemblée nationale a adopté en deuxième lecture le projet de loi relatif à la bioéthique qui fera ultérieurement l’objet d’un second examen au Sénat. Au regard de la liberté de conscience, de celle de la science et de celle d’utiliser son corps, compte tenu également des demandes qui se font jour dans la société et des conditions à réunir pour stimuler les progrès de la médecine, la Fédération nationale de la Libre Pensée (FNLP) considère que le débat parlementaire laisse à ce jour sans réponse satisfaisante des questions ayant trait notamment à la procréation médicalement assistée (PMA), à la gestation pour autrui (GPA) et à la recherche sur l’embryon.
La FNLP se réjouit de l’extension à toutes les femmes de l’accès à la PMA avec donneur. Néanmoins, elle conteste la procédure qui conduira à la détermination de la filiation des enfants nés d’un projet parental des couples de lesbiennes en tant qu’elle reposera non seulement sur l’expression d’un consentement à la PMA avec tiers donneur, comparable à celui exigé par l’article 311-20 du Code civil des couples hétérosexuels recourant à cette technique, mais également sur la reconnaissance conjointe concomitante de l’enfant à naître par les deux femmes. De surcroît, cette reconnaissance fera l’objet d’une mention marginale sur l’acte de naissance de l’enfant, une sorte de stigmate indélébile pour celui-ci.
La FNLP demande, d’une part, l’application aux couples de femmes qui recourront à la PMA avec tiers donneur des règles de détermination de la filiation prévues actuellement pour les couples hétérosexuels faisant appel à cette technique (consentement préalable à la PMA ; filiation maternelle pour la femme qui accouche ; présomption de paternité pour l’homme d’un couple marié ; reconnaissance de l’enfant avant ou après naissance pour l’homme d’un couple non marié), d’autre part, la suppression de toute mention des conditions de leur venue au monde dans les actes de naissance des enfants issus d’une PMA conduite par deux femmes.
De surcroît, demeure interdite la GPA, qui est pourtant, en dehors de l’adoption, la seule voie offerte aux femmes dépourvues d’utérus et aux couples homosexuels masculins de mener à bien un projet parental. Par ailleurs, dans le même temps, le projet de loi, au stade de sa seconde lecture par l’Assemblée nationale, ne règle pas de manière satisfaisante le problème de la transcription à l’état-civil français des actes dressés par des autorités étrangères établissant la filiation des enfants nés d’une GPA légalement menée dans différents pays. Il appartiendra toujours au juge d’apprécier la réalité des faits consignés dans l’acte, au sens de l’article 47 du Code civil, au regard de la loi française et non de la loi étrangère, comme l’avait admis la Cour de cassation dans le dernier état de sa jurisprudence.
La FNLP continue d’exiger la légalisation de la GPA altruiste, c’est-à-dire menée sans but lucratif, de manière à répondre au désir d’enfant des femmes dépourvues d’utérus et des couples homosexuels masculins. Au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant garanti par la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989, elle demande également la transcription automatique des actes de naissance des enfants nés d’une GPA légalement menée à l’étranger à l’état-civil français.
En ce qui concerne la recherche sur l’embryon, la FNLP observe que le Sénat, à rebours des modifications qu’il avait introduites dans un sens conservateur en première lecture dans d’autres domaines, avait assoupli les conditions à réunir pour justifier l’autorisation d’une recherche sur l’embryon. Elle constate qu’en deuxième lecture, l’Assemblée nationale rétablit pour l’essentiel le texte initial, dont la FNLP considère qu’il pérennise le carcan juridique imposée à la recherche sur l’embryon depuis 1994, même après l’entrée en vigueur de la loi d’août 2013 substituant, sans portée pratique effective, un régime d’autorisation excessivement encadré au dispositif antérieur d’interdiction avec dérogation institué en 2004.
À cet égard, elle souligne à nouveau le caractère inquiétant de l’introduction dans la loi de l’obligation pour les chercheurs qui solliciteront une autorisation de justifier du respect des « principes fondamentaux énoncés aux articles 16 à 16‑8 du Code civil […] ». En effet, cette disposition offre aux catholiques opposés à toute recherche sur l’embryon un moyen supplémentaire de contester les décisions prises en la matière par l’Agence de la biomédecine et, plus largement, leur ouvre la voie à la revendication d’un statut juridique de l’embryon, qui aurait notamment pour effet de remettre en cause le droit à l’interruption volontaire de grossesse.
Par suite, la FNLP demande l’extension aux programmes de recherche sur l’embryon du simple régime de déclaration des travaux sur les cellules souches embryonnaires humaines que l’Assemblée nationale vient de confirmer. Elle estime également que le législateur doit autoriser, comme son homologue britannique par exemple, la création à des fins de recherche d’embryons non implantables, une mesure qui complèterait utilement la timide avancée qu’apporte le texte en autorisant les chimères (introduction de cellules souches embryonnaires humaines dans un embryon animal).
Paris, le 6 août 2020