Impertinent N°112

Que voulez-vous faire ?

C’est la question que Ferdinand Buisson, principal rédacteur de la Loi de Séparation des cultes et de l’État en 1905 posait à tous les républicains : « Que voulez-vous faire ? Voulez-vous une loi de large neutralité, susceptible d’assurer la pacification des esprits et de donner à la République, en même temps que la liberté de ses mouvements, une force plus grande ? Si oui, faites que cette loi soit franche, loyale et honnête … »

Il s’agissait par la Séparation de débarrasser la République de la tutelle de l’Église catholique et ainsi d’établir la liberté de conscience des citoyens et donc leur liberté de culte. Et non de mettre les cultes sous la tutelle de l’État.

À cette période, comme aujourd’hui, la Libre Pensée rejetait les prétentions liberticides de ceux (petit père Combes, Clémenceau et quelques autres) qui, par le Concordat, voulaient placer les cultes sous la dépendance de l’État. « Qui paie commande » pensaient-ils.

Mais tous les aspirants tyrans ne sont pas Napoléon, premier du nom, et l’Histoire nous a montré souvent que l’Église sait utiliser l’argent public (versé aujourd’hui principalement dans le cadre de la Loi Debré de financement des écoles privées religieuses) pour faire pression sur les élus et candidats divers et variés afin d’imposer partout ses dogmes et ses hommes.

Aujourd’hui le gouvernement Macron, ministres et ministricules, veulent à nouveau imposer une forme de Concordat mettant un culte sous la tutelle de l’Etat sous couvert de « lutte contre le séparatisme ». (Voir en pages suivantes le communiqué de la Fédération Nationale de la LP à ce sujet).

Le mot de « séparatisme » a été mis à la mode par Macron lui-même, relayé par les médias serviles, à l’occasion d’une conférence de presse (Mulhouse, 18/02/2020). Il fallait créer une diversion au moment où sa « réforme des retraites » sentait fortement le brûlé.

Le COVID lui a fourni un répit et permis, en suspendant ou limitant les libertés publiques (« nous sommes en guerre »), de pousser les feux de son offensive dislo­catrice, il repart donc à l’assaut comme devant. De toute évidence, la même nécessité existe encore aujourd’hui de faire diversion pour occuper le terrain médiatico-politico-bien-pensant.

Il ressort donc la vieille ficelle politicarde du bouc émissaire. Comme au bon vieux temps d’avant-guerre.

Le problème aujourd’hui, ce n’est pas les licenciements massifs subventionnés à coup de milliards d’euros d’argent public, ce n’est pas la dislocation de l’école, du Code du Travail … c’est le « séparatisme islamique ».

Cette ficelle n’est pas neuve, ce qui est affligeant c’est que des « laïques » feignent d’en être dupes.

Ce qui ne signifie pas qu’il n’existe pas de terroristes politico-religieux. Mais l’arsenal existant des lois répressives est tel que ce sont les libertés de l’ensemble des citoyens qui sont déjà menacées. De plus, en démocratie, il est indigne de condamner toute une partie de la population pour ce qu’une poignée a commis, tout autant que de dénoncer quelqu’un pour ce qu’il est et non pour ce qu’il a fait.

Quant à la volonté affichée de « protéger les libertés », on peut avoir un très fort doute. Pour ne citer ici qu’un exemple : Le SNU (Service National Universel) aurait pour but selon le gouvernement d’être pour les jeunes « une fabrique de la citoyenneté et de l’engagement » L’armée étant chargée de « transmettre les valeurs (car elle) en a l’expérience » (Premier ministre, Avignon 13/09/2018)

Chacun a pu voir que quand les jeunes manifestent leur citoyenneté et leur engagement, le gouvernement leur envoie les CRS et les gendarmes qui leur transmettent « les valeurs » au moyen de grenades et matraques. Chacun se souvient de ces jeunes retenus des heures durant les mains sur la tête, comme au bon vieux temps des « quadrillages ».

La Libre Pensée ne marchera pas dans la combine, pas plus aujourd’hui qu’hier.

Nous continuons le combat pour la Défense de la Loi de Séparation de 1905. Nous proposons l’action commune à toutes les forces laïques du pays.

Nous continuons le combat pacifiste et humaniste contre l’embrigadement de la jeunesse et nous nous joignons au combat unitaire contre le SNU.

Que voulez-vous ? La liberté de conscience, mère de toutes les libertés ? Rejoignez la Fédération de la Libre Pensée, vous y serez fraternellement accueillis.

Henri Huille

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