Déclaration solennelle de la Libre Pensée à la veille des élections présidentielles et législatives
A la veille des élections présidentielles et législatives qui viennent, la Fédération nationale de la Libre Pensée entend préciser ses analyses et revendications. Fidèle à sa tradition, elle ne donnera aucune consigne de vote, car comme le disait Jean Macé, fondateur de la Ligue de l’enseignement, association amie de la Libre Pensée : «Nous ne sommes pas là pour faire les élections, mais pour faire des électeurs ». Chaque libre penseur, chaque laïque par définition, est libre de voter ou ne pas voter aux élections selon son propre choix.
La Libre Pensée ne s’érigera donc pas en directrice des consciences, car elle place, au-dessus de tout, la défense et la promotion de la liberté de conscience. Et c’est à la mesure de ce principe qu’elle peut s’inscrire dans le débat public et indiquer ce qu’elle pense de ce qui a été fait au cours de ce quinquennat qui s’inscrit dans l’aggravation des quinquennats précédents.
Dans quelle situation sommes-nous ?
Rappelons ce que disait la Résolution générale du Congrès national 2021 de la Libre Pensée à Voiron (Isère) : « Il est indispensable de voir que la question de l’unité est totalement prégnante, à tous les niveaux, depuis un certain temps. Au-delà de la nécessaire recherche de l’efficacité, qui est une donnée intemporelle, une autre question se fait jour.
La crise de la « représentation politique » à tous les niveaux et dans toutes les composantes de la société, ouvre un nouveau champ d’expérimentation. La Libre Pensée ne peut prétendre à cette représentation politique ni même à la construction de celle-ci. Mais elle doit participer à la réflexion à tous les niveaux et sur tous les plans à cette réflexion. Aucune composante du mouvement ouvrier, laïque et démocratique n’a la solution clés en mains, et chacun compare, analyse et recherche.
L’échange d’analyses et d‘informations (tant en interne qu’en externe) est devenue indispensable pour forger une opinion aujourd’hui. La question d’un endroit d’expression, à l’initiative de la Libre Pensée, doit être mise à l’étude. Le problème du calendrier électoral existe, il est un obstacle, mais il permet aussi les plus grands échanges, pour peu que nous restions sur notre terrain propre.
Le mouvement se cherche à travers différentes formes et réessaie des solutions anciennes à l’épreuve des exigences nouvelles. C’est d’ailleurs pour cela que la forme prend l’apparence de « mouvements » plutôt que de structures rigides et figées. Mais le « mouvement » n’est pas un mollusque, il lui faut une certaine colonne vertébrale. Et les « appareils » ne sont pas morts, même s‘ils sont mal en point.
La forme très particulière des choses aujourd’hui combine les deux aspects : mouvements et appareils. C’est l’originalité de la situation. Nul ne peut dire ce qu’il adviendra de tout cela pour l’avenir. Mais il y a une donnée historique : les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. Du désordre actuel naîtra nécessairement un autre ordre : « Ordo Ab Chao » (du chaos à l’ordre).
C’est en quelque sorte un retour à 1848, mais avec toute l’expérience acquise. Cela ira donc plus vite. Ce n’est pas de la nostalgie, mais l’expression de la volonté d’en tirer le bilan pour avancer. »
Le gouvernement le plus réactionnaire de la Ve République, et pourtant il y a du monde sur le podium !
C’est presque impossible à croire, mais les gouvernements Macron/Philippe et Macron/Castex ont dépassé dans l’horreur réactionnaire tous les pires gouvernements de la Ve République et il y en a eu !
En matière sociale, Emmanuel Macron parachève la destruction des acquis sociaux des salariés, mise en œuvre par Nicolas Sarkozy et François Hollande. Tous les gouvernants, de droite et de « gauche », se sont soumis à l’économie de marché capitaliste et ses corollaires : Union européenne, OTAN, suivi aveugle et inconditionnel des USA dans leur politique de destruction et de pillage des nations et des peuples, opérations néocoloniales (OPEX), tout cela encadré par la Doctrine sociale de l’Église devant laquelle droite et « gauche » ont apporté leurs bénédictions et plié le genou. Il ne faut pas voir d’autres raisons que celles-ci dans l’implosion et la disparition programmée du Parti socialiste et de la « gauche ». Mais les organisations syndicales des travailleurs continuent d‘exister et d’agir et cela constitue un point d’appui indéniable pour la classe ouvrière et la jeunesse.
En matière de Fonction publique, Emmanuel Macron a continué son travail néfaste entrepris sous la houlette de François Hollande qui, lui-même continuait lui-même ce qu’avait entrepris Nicolas Sarkozy. Les Fonctions publiques ne sont que des champs de ruines, laminées par les règles appliquées de l’économie de marché. Ce n’est plus l’objectif de rendre un service au public, mais d’être le moins coûteux possible et le plus « rentable ». Mais là aussi, la résistance des fonctionnaires se manifeste grandement et limite la casse.
En matière d’enseignement public, à tous les niveaux, Emmanuel Macron a amplifié les principes de l’enseignement privé catholique mise en œuvre par ses prédécesseurs, le fameux « caractère propre » en faisant imploser littéralement l’unicité de l’enseignement des savoirs et des pratiques. Les fonds publics se sont encore déversés à flots continus pour l’enseignement privé catholique, au nom des lois anti laïques de Debré à Blanquer. La remise en cause du baccalauréat est sur le point de trouver sa finalité par sa disparition pure et simple comme premier diplôme universitaire. La Recherche scientifique n’a jamais été mise autant sous le boisseau de la recherche du profit capitaliste à un tel niveau. La tentative de la chasse aux sorcières contre « les islamo-gauchistes » qui ne visait qu’à mettre au pas les universitaires, les chercheurs et les étudiants a été brisée dans l’œuf par la résistance du monde universitaire.
En matière d’embrigadement de la jeunesse, ce gouvernement a mis en œuvre les projets des gouvernements précédents : Le Service national Universel pour faire marcher au pas, saluer le drapeau, obéir, toujours obéir et pour cela, comme le rappelait Albert Einstein : « pas besoin d’un cerveau, une moelle épinière suffit ». Emmanuel Macron n’offre comme seule perspective : « Engagez-vous et vous verrez du pays ». Pourtant la résistance se manifeste puissamment par le refus massif des jeunes de faire le SNU. Le nombre d ‘inscrits est le désaveu le plus manifeste de la politique gouvernementale.
Mais ce gouvernement subit des échecs. Le vote le 13 janvier 2022 par l’Assemblée nationale de la proposition de loi portant Réhabilitation collective des 639 Fusillés pour l’exemple de la Première guerre mondiale, au-delà l’aspect profondément émotionnel et symbolique, est la marque du rejet croissant par tous les corps de la société du « macronisme ». Il y a source à méditer sur ce qui s‘est passé et qui engage et engrange l’avenir. Nous remercions vivement le député de Seine-Saint-Denis Bastien Lachaud (la France insoumise) de ne pas avoir lâché la proie pour l’ombre et nous remercions les Groupes parlementaires de la France insoumise, Communiste et Socialiste d’avoir apporté leur puissant concours à cette œuvre de justice. La Libre Pensée tient aussi à remercier l’ensemble des députés qui, au-delà de leurs appartenances politiques, ont eu le cœur et la conscience de rendre leur honneur aux Fusillés pour l’exemple et à leurs familles. Si le Sénat s’inscrit dans cette œuvre humaine, nous pourrons clore à jamais ce triste épisode de la barbarie humaine. Nous savons pouvoir compter sur les Groupe Communiste, Socialiste et Ecologiste pour que cette proposition soit inscrite à l’ordre du jour du Sénat après les élections présidentielles.
En matière de libertés publiques et démocratiques, Emmanuel Macron a fait pire que Nicolas Sarkozy et François Hollande, ce qui n’est pas un « mince exploit ». Nous n’avons plus les droits véritables de nous réunir, de contester, de manifester, de nous exprimer comme nous voulons. On impose aux organisations syndicales et étudiantes un mode opératoire décidé par le gouvernement : « Ceci est autorisé et surtout, cela est interdit, voilà comment vous devez penser et agir ». On est passé de la pensée unique à la pensée totalitaire. Nous sommes véritablement sous la férule pesante des violences de l’État policier. La liberté d’association est gravement remise en cause par le Contrat d’engagement républicain. La seule base sur lequel repose ce gouvernement, le seul moyen de ce gouvernement, c’est une répression violente de tous ceux qui contestent sa politique. Les victimes éborgnées, mutilées, décédées, emprisonnées, brisées se comptent en nombre. C’est à croire que Macron/Darmanin sont en compétition avec Papon et Marcellin pour monter sur le podium de la répression.
En matière d’accueil des étrangers et du respect qui leur est dû, l’ignominie a été portée à son comble. On traite les musulmans et les migrants comme on traitait les Juifs et les « métèques » au moment des prolégomènes (Décrets Daladier de 1938) du Régime de Vichy». La haine xénophobe et raciste s’étale au grand jour dans les médias mainstream, mais ils ne sont que le relais de la politique inhumaine du gouvernement Macron/Castex/ Darmanin. C’est cette politique barbare qui nourrit les discours et les actions de l’extrême-droite qui ne sont que les porte-voix hurlants du « macronisme ». Le racisme et la xénophobie sont devenus la politique courante et officielle des pouvoirs publics, au nom du principe ignoble que le musulman et le migrant sont responsables de tous les problèmes, ces agissements xénophobes, racistes de gauche et de droite sont à vomir.
Le pire du pire : la loi « Séparatisme »
Cette loi restera comme la loi infâme d’Emmanuel Macron par excellence. Elle porte en elle-même toutes les tares du régime bonapartiste en décomposition. Le putride le dispute à l’ignoble. C’est une loi profondément antilaïque et antidémocratique, elle remet en cause la liberté de conscience, la Séparation des Églises et de l’État, la laïcité, la liberté d’association et des associations.
C’est pourquoi, la Libre Pensée interviendra dans les élections législatives en faisant questionner les candidats à la députation pour leur demander de s’engager à abroger la loi « Séparatisme ». Cet engagement sera la ligne de démarcation entre les démocrates et les autoritaires. Et la Libre Pensée le fera connaitre dans les circonscriptions électorales.
A l’issue des élections législatives, la Libre Pensée s’adressera aux associations laïques et aux militants de la laïcité pour engager le processus décidé au Congrès national de Voiron : avancer dans la constitution d’une Confédération laïque des penseurs libres avec toutes celles et tous ceux qui partagent en tout ou partie les positions de la Libre Pensée. Le contenu et la question centrale posée pour cette action seront l’abrogation de la loi « Séparatisme » et de la loi Debré.
Pour l’abrogation :
● Des lois antilaïques de Debré à Blanquer !
● De la loi « Séparatisme » et du Contrat d’engagement dit « républicain » !
● Des ordonnances et des lois antisociales !
● Des décrets scélérats sur le fichage des militants !
● De la loi « Sécurité globale » !
● Du Service National Universel !
Il est temps d’agir pour que chacun prenne sa destinée en main pour balayer la Ve République ce régime antidémocratique, antilaïque et anti- social, né d’un coup d’Etat le 13 mai 1958, que la Libre Pensée n’a jamais cautionné
Pour terminer cette déclaration solennelle, la Libre Pensée rappelle sa déclaration publique du 13 octobre 2021 : « Toute cette analyse conduit la Libre Pensée à estimer que, plus que jamais, il s’agit de sauver la Démocratie représentative contre toutes les menaces qui pèsent contre elle.
Le choix est de plus en plus clair :
■ Ou la mise en place d’un régime de plus en plus autoritaire. Jusqu’où et jusqu’à quand ?
■ Ou la parole revient au peuple, c’est-à-dire aux citoyennes et aux citoyens, par la mise en œuvre de l’élection d‘une Constituante libre et souveraine, par un coup majeur porté aux institutions de la Ve République.
Tel est le choix que la Libre Pensée estime nécessaire de poser publiquement dans la période qui s’ouvre, notamment liée aux échéances électorales qui viennent, mais pas seulement. Le mouvement social peut aussi porter avec force cette revendication. »
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Qui se chargera de cette bataille de la Démocratie ?
Telle est la question qui se pose avec force !
A chacun d ‘y répondre.
Paris, le 1er mars 2022
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