Crèche à Hénin-Beaumont, Vierge à Publier : La loi de la République appliquée par le juge administratif
Le mois de novembre 2016 est particulièrement riche pour les libres penseurs. Après les deux arrêts du 9 novembre 2016 par lesquels l’assemblée du contentieux du Conseil d’Etat a jugé illégale la présence de crèches chrétiennes de Noël dans les bâtiments publics (CE ass., 9 novembre 2016, n° 395 322 et 395 223 ), sauf si elles présentent un caractère « culturel, artistique ou festif », apprécié au moyen de quatre critères cumulatifs (absence de nature prosélyte ; existence de circonstances locales particulières ; existence d’une tradition ; nature du lieu d’installation de la crèche), le juge administratif a poursuivi son travail d’interprétation de l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la Séparation des Eglises et de l’Etat.
Tous ceux qui regardaient, à défaut de les avoir bien lus, les deux arrêts précités comme une brèche par laquelle pouvait s’engouffrer la multiplication des crèches chrétiennes dans les mairies ou les hôtels de département ou de région en sont pour leur frais. Par un jugement du 30 novembre 2016, le Tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 1er décembre 2015 par laquelle le maire de la commune d’Hénin-Beaumont, membre du Front National, avait autorisé l’installation d’une crèche de Noël dans l’Hôtel de ville, l’an dernier. Il a fait une stricte application des arrêts de l’assemblée du contentieux du Conseil d’Etat en considérant que la représentation de la Nativité dans ce bâtiment de la République n’avait pas, en l’espèce, un caractère artistique et/ou historique, n’obéissait à aucune tradition, notamment minière, contrairement à ce que soutenait le maire, et ne pouvait être regardée comme s’inscrivant dans des circonstances locales particulières marquées par l’animation du marché de Noël. Plusieurs des quatre conditions énoncées par le Conseil pour admettre une dérogation au principe d’interdiction posé par l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 n’étant pas réunies, le Tribunal administratif de Lille a estimé qu’il n’avait même pas à se prononcer sur le caractère prosélyte ou non de cette crèche.
Petit à petit, la jurisprudence se construit, sur la base des indications du Conseil d’Etat qui prohibent la présence des crèches chrétiennes dans les bâtiments de la République
Par un jugement du 24 novembre 2016, le Tribunal administratif de Grenoble, qui avait annulé, le 29 janvier 2015, la décision du 7 novembre 2011 par laquelle le maire de la commune de Publier avait refusé de déplacer la statue de la Vierge dénommée Notre-Dame du Léman du domaine public, comme le réclamaient les libres penseurs de Haute-Savoie, a condamné cet édile à procéder à l’enlèvement de cet emblème religieux dans un délai de trois mois sous peine d’une astreinte journalière de 100 euros. Pour parvenir à cette conclusion, le juge de l’exécution, saisi en application de l’article L. 911-4 du Code de justice administrative, a été contraint de rejeter les moyens dilatoires de la commune et de rappeler, face à une argumentation tendant à revenir sur le fond de l’affaire, que le jugement du 29 janvier 2015 est revêtu de l’autorité de la chose jugée. En premier lieu, il a écarté l’argument fantaisiste selon lequel le maire ne pouvait abroger, bien qu’illégale, sa décision du 7 novembre 2011 au motif qu’elle ne présentait pas un caractère règlementaire et ne créait pas de droit. En second lieu, ne reculant devant aucune incohérence, il soutenait également que son refus du 7 novembre 2011 valait abrogation implicite de la décision initiale d’installation de la Vierge Notre-Dame du Léman sur le domaine public.
Mesdames et messieurs les laïques de la vingt-cinquième heure « issus du suffrage universel », qui vous prévalez frauduleusement de la laïcité pour mener des combats inavouables et vous réclamez des pseudos racines chrétiennes de la France, vous n’avez qu’un seul devoir désormais : appliquer la loi de liberté du 9 décembre 1905 comme le juge administratif l’interprète. N’en déplaise aussi aux sycophantes et aux atrabilaires qui pourchassent de leurs flèches impuissantes la victoire obtenue par la Libre Pensée.
C’est le sens profond de l’Appel des Laïques publié le 7 décembre 2016.
Paris, le 14 décembre 2016