Lettre ouverte de la Libre Pensée à la République : Laïcité, que de vilenies on commet en ton nom !

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Emmanuel Macron n’a pas pu résister. Il a franchi le Rubicon en passant le porche de Notre-Dame. Il est allé à la messe. La réouverture de Notre-Dame au public a donné lieu à des remises en cause directes ou indirectes de la laïcité. Nul ne remet en cause le caractère patrimonial de l’édifice qui depuis des siècles trône sur l’ancienne Lutèce, mais le Président de la République, comme nombre d’édiles, a voulu jouer de l’ambiguïté qui distingue pourtant le culturel du cultuel.

Nous avons assisté à une violation significative des principes de laïcité et de neutralité de l’État, par la présence et l’intervention du Président de la République à Notre-Dame de Paris le samedi 7 décembre 2024, puis sa présence lors de la messe du dimanche 8 décembre 2024. Il y a là notamment une infraction flagrante de l’ancien article 26 de la loi de 1905 (devenu 35-1 depuis la loi dite « Séparatisme »).

Cet article de la loi de la Séparation des Églises et de l’État interdit expressément toute réunion politique dans un établissement de culte. Or, la présence officielle du Président de la République à Notre-Dame, accompagnée d’une allocution politique le 7 décembre, constitue manifestement une transgression de cette disposition légale. L’excuse du mauvais temps ne peut être retenue. On doute que la France, puissance nucléaire, n’ait pu trouver un parapluie pour le Président. Cette excuse tombe du fait de sa présence renouvelée le lendemain, 8 décembre, lors de la célébration de la messe, et du contenu du discours qu’il avait déjà prononcé en ces même lieux le 29 novembre 2024 que des commentateurs ont qualifié également de « politique » 1.

Le contenu du discours du 7 décembre était de surcroit, au sens noble, politique. Il y a en effet proposé une « métaphore heureuse de ce qu’est une Nation, et ce que devrait être le monde. Fraternité d’un peuple déterminé à faire de grands choix ; fraternité universelle et entraide. » En concluant par un triptyque « Vivre Notre-Dame de Paris. Vive la République. Vive la France. » il ne laisse aucun doute sur le caractère politique de son allocution. En invitant des Chefs d’État et de gouvernement du monde entier, mais également des représentants d’institutions internationales (OCDE, UNESCO, Union Européenne) et des acteurs de la vie politique française (Michel Barnier, Anne Hidalgo membre du Parti socialiste, ou le Président du parti Horizons Édouard Philippe), il a donné une connotation évidemment politique à cette cérémonie.

Le choix du calendrier est l’apanage des dirigeants, et surtout de celui qui s’est décrété maître des horloges. La messe du dimanche 8 décembre coïncidant avec la fête chrétienne dite de l’Immaculée Conception, et qui plus est à proximité de l’anniversaire de la loi du 9 décembre 1905, apparaît comme une manipulation particulièrement contestable de la neutralité républicaine.

Nous avons assisté à un traitement inégal du culte catholique, bien-au-delà de la reconstruction d’un patrimoine passé bien de l’État, appartenant à la République. Il est loin le temps des cultes reconnus ! Avant la loi de 1905, certains cultes bénéficiaient d’un statut privilégié, aboli par l’article 2 de la loi de 1905 qui stipule que l’État ne reconnaît plus aucun culte. L’Égalité des citoyens ne peut se faire que par un traitement égal entre toutes les conceptions métaphysiques par leur non-reconnaissance officielle.

La participation es-qualité du Président de la République à une cérémonie religieuse, le 8 décembre 2024, représente une violation directe de ce principe constitutionnel de laïcité qui suppose la non-reconnaissance d’aucun culte. Nous rappelons que « reconnaissance » est un terme juridique qui ouvre des droits. Par exemple quand des parents « reconnaissent

» un enfant, ils lui assurent des droits et ils ont des devoirs envers lui. Toute reconnaissance d’une conception métaphysique est un traitement de faveur, fait obligatoirement au détriment d’autres conceptions. Quand le gouvernement Jospin en 2001 a mis en en place la réunion annuelle de l’instance de dialogue entre l’Église catholique et l’État, il ouvrait des droits exorbitants à cette religion en lui conférant une « reconnaissance » dérogatoire au Droit commun. La Libre Pensée exige sa suppression.

La reconstruction a été présentée comme le résultat d’une collecte de fonds privés, comme si l’État n’avait rien déboursé. C’est en partie faux, puisque certains de ces dons ayant donné lieu à une déduction fiscale, de fait la somme non perçue par l’État en impôts a été payée par tous.

Le culte catholique est ici une fois encore choyé par la macronie. Le mouvement avait été donné lors de la conférence au Collège des Bernardins, par exemple, où Emmanuel Macron voulait « réparer le lien entre l’Église et l’État ». Sous son règne, l’enseignement privé – essentiellement catholique – et sous l’égide du sinistre Jean-Michel Blanquer, s’est vu renforcé. Pourtant, reconnaissons-le, les édiles de tout bord sont prompts à donner des gages. Nombre d’entre eux vont sans sourciller à des cérémonies religieuses, en plus associées à des fonctionnaires, notamment lors de messes de Sainte-Geneviève, de la Sainte-Barbe. Les pompiers et les gendarmes méritent mieux que quelques prières : nous recommandons aux élus de boycotter ces cérémonies cultuelles et de préférer par exemple augmenter la dotation en matériel (combien de Canadair manquent-ils encore ?), de revaloriser les métiers…

Les autres cultes ne sont pas en reste d’ailleurs, en ce qui paraît souvent une opération grossière de clientélisme électoral et communautaire. Combien d’élus s’affichent lors de rupture de jeûne du Ramadan, ou pour Hanoukka, Emmanuel Macron ayant émis le souhait de le célébrer à l’Élysée en insistant sur « le chemin de l’unité et de la bienveillance » entre l’État et le Judaïsme ?

Le pire en matière de détournement de la belle loi de liberté et de paix qu’a été la loi de 1905 sur la laïcité a été atteint avec la loi dite « Séparatisme » de 2021. Censée promouvoir et défendre la laïcité, elle n’a mis en œuvre qu’une série d’interdictions et veut instituer une idéologie d’État à travers l’imposition obligatoire de valeurs au lieu de principes juridiques, visant à imposer une sécularisation forcée, mais seulement pour l’Islam et surtout à celles et ceux qui se reconnaissent dans cette religion. Faisant l’amalgame entre l’ensemble des Musulmans et les Fondamentalistes, sa déclinaison détourne prudemment les yeux et ne voit pas les soutanes sombres des curés intégristes, les voiles et collerettes des bonnes sœurs, ou les tenues loubavitch tous pourtant signes évidents d’une pratique religieuse rigoriste.

Macron-Jupiter s’est-il pris aussi pour César ? Un peu de retour historique nous apprend que l’opération reconstruction de Notre-Dame en 5 ans est une redite de l’opération reconstruction de Sainte-Sophie en 5 ans, dans les années 550 – opération pilotée par l’Empereur Justinien dans le cadre de l’affirmation du système césaropapiste. Ce césaropapisme monumental offre effectivement un point de comparaison intéressant. De qui se réclame Macron en allant à la Messe et en se présentant comme le grand architecte de la reconstruction de Notre-Dame ? Souhaite-t-il comme Napoléon reconduire un Concordat ?

Paris, le 9 décembre 2024

1 https://www.francetvinfo.fr/politique/emmanuel-macron/separation-de-l-eglise-et-de-l-etat-emmanuel-macron-
flirte-avec-la-ligne-rouge_6941765.html : « « Le discours à Notre-Dame s’inscrit, à mon sens, dans un discours purement
politique, il n’y a pas de propos à caractère religieux », analyse Clément Benelbaz, maître de conférences en droit public. »