La question des carrés confessionnels dans les cimetières

Si le président de la République et la ministre de l’Intérieur ont affirmé n’envisager aucune modification de la loi de 1905, ils ont néanmoins à plusieurs reprises annoncé leur intention d’apporter divers aménagements techniques de nature à modifier sensiblement le cadre juridique d’ensemble de la laïcité, notamment dans le domaine très symboliquement chargé du traitement de la mort.

Le décret du 23 prairial an XII (11juin 1804) avait institué le monopole des inhumations dans les cimetières municipaux, sous réserve des droits de propriété reconnus aux consistoires israélites et aux conseils presbytéraux protestants sur les cimetières privés qu’ils avaient aménagés avant l’entrée en vigueur de ce texte. Dans l’esprit du Concordat de 1801, celui-ci avait néanmoins autorisé la création de divisions confessionnelles dans les nécropoles communales. Elles restent d’ailleurs parfaitement légales, pour cette raison même, dans les trois départements concordataires de l’est de la France.

Très rapidement, la gestion par carrés confessionnels des cimetières municipaux s’était avérée désastreuse. En raison du poids qu’elle représentait, l’Eglise catholique avait notamment empiété sur les parcelles réservées aux autres confessions ou aux personnes sans religion. En bien des endroits, elle était même parvenue à imposer l’abandon de ces parcelles. Pour mettre fin à ces situations inacceptables, les gouvernements successifs de la Troisième République ont mis en place un cadre juridique assurant la paix civile dans le domaine de la mort.

La loi du 14 novembre 1881 a interdit les divisions confessionnelles que la circulaire dépourvue de base légale du 14 février 1991 a entendu d’ailleurs réintroduire subrepticement pour les musulmans. Celle du 15 novembre 1887 a garanti les dernières volontés des défunts en disposant que « tout majeur ou mineur émancipé, en état de tester, peut régler les conditions de ces funérailles, notamment en ce qui concerne le caractère civil ou religieux à leur donner et le mode de sépulture ». La loi du 28 décembre 1904 a laïcisé le service extérieur des pompes funèbres dont le monopole a d’ailleurs été réservé aux communes jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 8 janvier 1993 transposant en droit interne une directive européenne. Enfin, l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 a interdit l’installation de tous signes religieux sur les portails ou dans l’enceinte des cimetières, à l’exception de ceux qui y existaient avant son entrée en vigueur.

La Libre pensée considère que ce cadre juridique doit être préservé parce qu’il assure la liberté de conscience, autorise les funérailles et l’édification de monuments funéraires conformes aux convictions de chacun et préserve la paix civile. Dans ces conditions et compte tenu des enseignements de l’Histoire, la reconnaissance légale de carrés confessionnels ne saurait être regardée comme un simple aménagement technique. Elle serait une remise en cause de la laïcité. Elle constate d’ailleurs que la commission présidée par le professeur Machelon a traité ces questions de manière extrêmement prudente.