Colloque de Lyon Philippe Pétain : la continuité dans la Réaction

Déclaration du Colloque de Lyon

  • 25 novembre 2017 –

Philippe Pétain : la continuité dans la Réaction

Cette déclaration n’a pas pour but de résumer les travaux de ce colloque, ni des articles de la Raison qui ont traité de différents aspects. Tout cela sera publié dans le Tome IV des Actes des Colloques 1914-1918 de la Libre Pensée. Elle se veut complémentaire et pour éclairer des aspects qui auraient pu ne pas être mis en lumière.

Pétain fut de début à la fin de sa vie un parfait réactionnaire, quelque peu hypocrite et intolérant comme il se doit, quand on a été un élève chez les Dominicains, source principal du recrutement des Inquisiteurs. On les appelait les Domini  canes, « les chiens de Dieu ».

Comme il se doit aussi, il fut un fidèle adepte de la Doctrine sociale de l’Eglise catholique. Il put ainsi mettre cette œuvre de réaction, quand il fut au pouvoir de 1940 à 1944. Il faut dire qu’il en avait eu et vu un bon aperçu dans l’Espagne franquiste quand il y fut nommé ambassadeur, entre la fin de la Guerre d’Espagne et le début de la Deuxième guerre mondiale. Une répétition et un stage de formation en même temps.

Comme le rappelle dans sa préface à La vie exemplaire du Maréchal Pétain du général Hering,  l’abbé Guépin, aumônier de l’Association Pétain-Verdun, « le Maréchal eut le courage de supprimer la trilogie maçonnique Liberté, Egalité, Fraternité qu’il remplaça par Travail, Famille, Patrie. « Le Maréchal Pétain met en œuvre la Doctrine sociale de l’Eglise en France », écrivit le Pape Pie XII. »

Cette Doctrine de soumission est pour la première fois définie dans l’Epitre de Paul aux romains :

 « 1- Que tout le monde soit soumis aux puissances supérieures ; car il n’y a point de puissance qui ne vienne de Dieu, et c’est lui qui établit toutes celles qui sont sur terre.

2- Celui donc qui s’oppose aux puissances résiste à l’ordre de Dieu ; et ceux qui y résistent attirent la condamnation sur eux-mêmes.

4- Le prince est le ministre de Dieu pour vous favoriser le bien. Que si vous faites mal, vous avez raison de craindre ; parce que ce n’est pas en vain qu’il porte l’épée. Car il est ministre de Dieu pour exécuter sa vengeance, en punissant celui qui fait de mauvaises actions.

6- C’est pour cette même raison que vous payez le tribut aux princes, parce qu’ils sont ministres de Dieu, toujours appliqués aux fonctions de leur emploi. » « source : La Bible traduction de Lemaître de Sacy) »

En résumé, la Doctrine sociale de l’Eglise, c’est l’obéissance aux puissants, l’acception de la servitude, la soumission à l’Eglise et le paiement de l’impôt et des taxes. Cette conception fut mise en œuvre dans tous les régimes corporatistes autoritaires : Mussolini, Salazar, Hitler, Franco, Pétain et bien d‘autres. On a vu que dans des régimes dits un peu rapidement  « non-autoritaires », cette conception fut aussi mis en action par de Gaulle, Delors, Union européenne, et aujourd’hui par Emmanuel Macron, formé à l’école des Jésuites. 

Cela porte un nom : le corporatisme. Il est assez illustratif qu’Emmanuel Macron ressorte des cartons le vieux projet corporatiste gaulliste de la fusion du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental pour en faire une chambre des « familles, des métiers et des territoires », comme au bon vieux temps de l’Ancien-Régime et de celui de Vichy. Il risque fort de lui arriver les mêmes déboires qu’à ceux qui furent rangés, en leur temps eux-aussi, « dans les poubelles de l’Histoire ».

Pour toute cette engeance cléricale et réactionnaire, il faut à l’opprimé obéir et  accepter son oppression sans se révolter. Il ne doit pas être un indigné ni un insoumis, il doit accepter avec humilité sa condition et demain, peut-être, ira-t-il au paradis.

Obéir, obéir, toujours et en toute circonstance. Voici ce que disait Pétain à Verdun en 1916. Voici ce que disait le futur maréchal pour  fusiller pour l’exemple les soldats qui refusaient de mourir pour rien en 1914-1918, voici ce que le Chef de l’Etat français disait sous l’occupation nazie entre 1940 et 1944,  pour fusiller  les résistants.

Faire ce colloque à Lyon est donc hautement symbolique. Significatif aussi fut l’action de la Mairie de Lyon pour nous interdire de le faire dans le Musée de la Résistance et de la Déportation. Il est visiblement des rappels dangereux pour certains nostalgiques. Encore une fois, nous avons vu que le pétainisme ne veut pas passer. Obéir, n’est-ce pas, hier comme aujourd’hui, faire silence dans les rangs ? On ne nous fera pas taire.

La Libre Pensée a appelé et appellera toujours à la désobéissance quand la conscience de chacun dit Non à la barbarie. Voici pourquoi nous œuvrons avec tant d’autres ; l’ARAC, l’Union pacifiste, le Mouvement de la Paix, des sections de la Ligue des Droits de l’Homme, des syndicats de la CGT et de la CGT-FO, pour la réhabilitation des 639 Fusillés pour l’exemple.

C’est pourquoi la Libre Pensée érigera, avec tous nos amis, un monument en hommage aux Fusillés pour l’exemple sur la ligne de front à Chauny dans l’Aisne et qu’elle vous appelle à souscrire massivement pour cela.

Contre les guerres d’hier, contre les guerres d’aujourd’hui !

Ce refus de la barbarie et de la mort – programmées aujourd’hui comme hier et  par les puissants de ce monde -, il n’est au pouvoir de personne de l’interdire et de le mettre sous le boisseau de l’horreur. La fraternisation et le refus de combattre pour tuer un autre être humain, cela n’a pas disparu après 1918. Même dans la Seconde guerre mondiale, on a connu de tels actes.

Les historiens se penchent aujourd’hui sur les scènes en Russie, à partir de 1941,  où, de chaque côté, allemand et russe, on laissait ceux d’en face chercher tranquillement  de l’eau et de la nourriture. Il y eut même une fraternisation sur le front de Kalinine en 1942. La vie cherche toujours un chemin pour préserver l’Humanité.

Et bien entendu, la répression eut lieu, car c’est la seule réponse des brutes galonnées assoiffées du sang des autres. Comme en 1917, les Etats-majors des deux camps étaient paniqués devant le nombre de soldats qui désertaient pour ne pas mourir. Du 1er août au 15 octobre 1942, 140 755 soldats soviétiques sont appréhendés pour s’être éloignés de la ligne de front ; 3 980 sont finalement arrêtés, 1 189 sont fusillés. Sur les fronts du Don et de Stalingrad, 711 soldats sont fusillés pour l’exemple. Du 22 juin 1941 au 10 octobre 1942, le NKVD condamnera à mort 63 012 soldats soviétiques.

Au cours de la Seconde  guerre mondiale , plus d’un million de personnes, surtout des soldats, ont été condamnées par le système pénal de la Wehrmacht, dont 50 000 à la peine capitale. Parmi elles, 20 000 ont été réellement exécutées, souvent par pendaison.

Le combat de la Libre Pensée, pour rendre leur honneur aux 639 Fusillés pour l’exemple, trouve sa source dans le combat de toujours de l’Humanité pour préserver la vie et refuser la mort. C’est pourquoi nous continuerons à dénoncer les guerres d’aujourd’hui, les Opérations extérieures (OPEX), même camouflées sous des oripeaux humanitaires. Ce ne sont que des guerres coloniales et impérialistes.

C’est ce refus des guerres d’hier et d’aujourd’hui  que nous voulons donner comme sens  à l’érection de ce Monument en hommage aux 639 Fusillés pour l’exemple à Chauny.

Lyon, le 25 novembre 2017