In memoriam, Joachim Salamero
La Fédération Nationale de la Libre Pensée vient d’avoir l’immense douleur de perdre son Président d’honneur Joachim Salamero, pour nous tous : Jo, tout simplement. Il nous a quittés le jeudi 4 février 2021.
Jo est victime du virus redouté qui, dans une période de tension sociale extrême, sert d’alibi à nos gouvernants pour restreindre les libertés publiques et accumuler les réformes délétères pour les citoyens, les travailleurs et les jeunes de notre pays. Nous le pleurons comme ami, Frère, camarade, compagnon. Il méritait tous ces qualificatifs dans l’ensemble de ses engagements politiques, philosophiques, laïques et sociaux. Nous le pleurons sincèrement, avec toute sa famille, son épouse, sa fille et ses petits-enfants, auxquels nous adressons nos condoléances. Nous témoignons de la profonde affection que nous avions pour lui.
Jo, enfant d’immigrés espagnols chassés de leur pays par l’arrivée au pouvoir de Primo de Rivera, avait fait sien le combat de la classe ouvrière et de son émancipation. Il le menait sous la bannière de l’anarcho-syndicalisme et de l’anarchisme, composantes fondamentales du mouvement ouvrier. Il était ouvrier-ajusteur, un prolétaire dans sa classe. Jamais il n’a cédé de quelque manière que ce soit aux sirènes du capitalisme. Il militait pour sa fin, pour l’abolition finale du salariat et du patronat, pour la pleine émancipation de l’Humanité.
Dans cette perspective, il avait acquis très tôt la conviction que les Eglises, et tout spécialement la catholique, gouvernante du culte majoritaire en Espagne et en France, était un obstacle pernicieux et majeur à cette émancipation. Il manifestait pour cette raison un attachement viscéral à la laïcité, et à sa forme institutionnelle : la loi de Séparation des Eglises et de l’Etat dont nous disposons en France. C’était un immense combattant laïque à qui la Libre Pensée doit beaucoup. Libre Penseur ? Il le fut depuis ses plus jeunes années.
Par-dessus tout, nous lui devons une compréhension approfondie de ce qu’est la Doctrine sociale de l’Église, de ses liens avec le corporatisme, cousin, voire composante, du fascisme. Plus récemment, il a su définir la nature de la subsidiarité, mot d’ordre de l’Union Européenne directement issu de cette doctrine sociale. Ce faisant, il a nourri la réflexion de la Libre Pensée Française depuis les accords de Maastricht jusqu’au referendum confisqué de 2005 et au-delà.
Jo, avant d’être Président d’honneur, fut Président de la Fédération Nationale de la Libre Pensée, du mitan des années 1990 à 2007, date à laquelle il émit le vœu de descendre de charge et où, en conséquence, nous élûmes notre regretté Président Marc Blondel, décédé en 2014. Ils avaient en commun l’engagement dans la Confédération Générale du Travail-Force Ouvrière. Marc en fut le Secrétaire général, Jo y exerça diverses responsabilités notamment dans le département de Gironde et fut membre de la Commission exécutive confédérale. Jo avait un attachement intense au syndicalisme indépendant et à l’indépendance du mouvement ouvrier. Ce fut pour lui, une forme de combat contre le stalinisme qui prétendait inféoder totalement le mouvement syndical à un parti.
Se retrouvaient alors dans la CGT-FO toute une génération de militants ouvriers qui, sans être d’accord sur les formes que devaient prendre l’émancipation ouvrière – ils pouvaient être réformistes, trotskystes ou anarchistes, mais unis par leur conception de la Confédération – combattaient fraternellement pour défendre les acquis ouvriers et les conquêtes sociales.
En cela, la Libre Pensée suivait un chemin parallèle : chaque libre penseur pouvait avoir sa conception de ce que serait la République Sociale, mais l’association, dans son ensemble, récusait la domination du capital sur le travail. Pendant son mandat et ensuite, Jo a constamment suivi cette conception comme ligne de conduite.
Disons aussi quelques mots de l’homme : humaniste et humain aux plus nobles et plus profond sens du terme, c’était un individu chaleureux. Il était membre du Grand Orient de France et avait été Vénérable de sa Loge–mère. Doté d’une voix grave et profonde, il était d’un calme inébranlable dans ses déclarations, et s’il était inflexible dans la défense de ses conceptions, il savait faire sentir à ses adversaires le respect qu’il leur portait. En évoquant sa voix, nous gardons un souvenir ému du goût qu’il avait pour entonner l’Internationale en Espagnol dans les banquets fraternels des congrès nationaux.
Arriba parias de la tierra,
En pié, famelica Legión !
(Debout les damnés de la terre, Debout les forçats de la faim !).
Tout ceci faisait que nous avions pour Jo Salamero une véritable affection, presque filiale pour beaucoup d’entre nous et que sa disparition nous atteint l’esprit et le cœur.
Le véritable tombeau de Jo Salamero sera toujours dans le cœur de celles et de ceux qui l’ont aimé et dans la conscience de celles et de ceux qui se souviendront de lui.
Salut et Fraternité, Jo
Jean-Sébastien Pierre, Président de la Libre Pensée
Christophe Bitaud, vice-Président de la Libre Pensée
Christian Eyschen, Secrétaire général de la Libre Pensée
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